Le
partage de 1947 :
Une
iniquité !
par
Maurice Buttin, président du CVPR-PO - 29 novembre 2017
Avant
de contester la résolution de l’ONU du 29 novembre 1947 concernant le partage
de la Palestine, il est nécessaire de situer en quelques lignes le problème
dans son cadre historique.
De
tous temps, la Palestine a été habitée par les Palestiniens, quel que soit leur
nom. La contribution des Juifs, quelques centaines d’années avant Jésus-Christ,
ou celle des musulmans sept siècles après, a, essentiellement, été un apport en
religion plutôt qu’en population. Et celle-ci - arabes, musulmans, juifs et
chrétiens - est de bonne entente
après
la destruction de Jérusalem, en 70, par Titus et après la répression de la
dernière révolte juive par Hadrien, en l’an 132, il reste très peu de juifs en
Palestine. Ainsi, en 1918, il y en a environ 56 000 pour de 550 000 arabes,
musulmans et chrétiens.
En
1897, à Bâle, lors de leur premier Congrès, les sionistes définissent leur
programme - qu’ils mettront 70 ans (en juin 1967) à réaliser - : « le
sionisme a pour but la création en Palestine, pour le peuple juif, d’une
patrie, garantie par le droit public ».
En
1917, par la « déclaration Balfour », ils obtiennent une reconnaissance
internationale, confirmée lors des accords de San Remo - partage du
Proche-Orient entre les Français et les Britanniques - et lors de la proclamation
des mandats, en 1922, par la SDN, le mandat sur la Palestine confié aux
Britanniques, contenant la Déclaration.
Le
soulèvement palestinien de 1937/39, très durement réprimé par les Britanniques,
ne modifie au début pas grand chose. Les occupants envisagent même un premier
partage de la Palestine (Commission Peel). Ce n’est
que devant les risques d’une nouvelle guerre mondiale que les Britanniques
changent en 1939 de politique et décident, dans un Livre Blanc, la stricte
limitation de l’immigration juive et l’éventualité de la création d’un État
palestinien unique dans les dix ans à venir. Toute idée de partage disparaît.
Les
sionistes ne l’acceptent pas et répliquent par la confirmation de leur charte,
lors d’un Congrès à l’hôtel Baltimore à New-York, en mai 1942 (Exigence d’un État
juif sur toute la surface du mandat et rejet définitif de la thèse de l’État
binational) puis, par une campagne de violence et de terrorisme, à la fin de la
guerre, contre les Britanniques. Début 1947, la position de ceux-ci devenant
intenable, ils décident d’abandonner leur mandat et de confier le sort futur de
la Palestine aux Nations Unies.
Une
Commission spéciale est chargée d’étudier la question du gouverne- ment futur
de la Palestine. Fin août 1947 elle présente deux projets, l’un majoritaire qui
propose le partage de la Palestine entre deux États, l’un juif, l’autre arabe,
avec Jérusalem sous contrôle international. L’autre, minoritaire - représentants
de l’Inde, de l’Iran, et de la Yougoslavie - qui préconise l’instauration d’un État
fédéral, comportant un État juif et un État arabe, avec Jérusalem comme
capitale. Je relève un point de ce projet, prémonitoire : « de la solution
qui sera donnée à la question palestinienne dépendra dans une large mesure
l’avenir de la paix et de l’ordre en Palestine et dans le Proche-Orient en
général. A cet égard, il importe d’éviter que le séparatisme qui caractérise
actuellement les relations des Arabes et des Juifs dans le Moyen-Orient
s’accentue et donne naissance à un dangereux irrédentisme ; or, telles seraient
les conséquences inévitables du partage, sous quel- le que forme que ce soit. »
Ni
les Palestiniens - à qui rien n’est demandé ! - ni les États arabes (7 à
l’époque à l’ONU) n’acceptent la résolution de partage.
Ils soulèvent :
-
L’incompétence de l’Assemblée Générale de l’ONU, qui ne possède aucune
souveraineté sur la Palestine.
-
Un empiétement sur la souveraineté du peuple palestinien : aucun
référendum
n’est prévu. (Et
pour cause les 2/3 de la population sont alors des Arabes).
-
Une violation de la Charte de l’ONU: en vertu de l’article 1 de celle-ci,
elle
est tenue de respecter « le
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».
-
Un déni de justice : le recours à la Cour internationale de justice
proposé par les États arabes, et une partie des membres de l’ONU, est rejeté
par la
majorité de la Commission.
Les sionistes font alors le maximum de pression sur les membres de
l’ONU, afin d’obtenir un vote favorable au partage. Ils réussissent à s’assurer
le concours des États-Unis. Un premier vote intervient le 25 novembre 1947. Il
manque encore une voix pour que la résolution soit acceptée (2/3 des voix),
dont celle de la France. Le Président étasunien, Truman, va user de tout son
pouvoir, allant, semble-t-il, jusqu’à menacer la France de lui couper les
vivres... Le 29 novembre, l’Assemblée Générale de l’ONU adopte le plan de
partage (résolution 181) par 33 voix contre 13 avec 10 abstentions.
A noter que l’URSS, conformément au discours d’Andreï Gromyko à
l’ONU, le 14 mai 1947 - appelé par certains la « déclaration Balfour soviétique
» - a appuyé le partage, pensant qu’Israël pourrait devenir un nouvel État
communiste...
Pour le mouvement
sioniste, ce vote est une énorme victoire, la reconnaissance de la fondation du
nouvel État d’Israël qu’ils espéraient depuis 1897. Comme l’écrira Henry
Cattan, le représentant palestinien à l’Assemblée Générale de l’ONU : « Le
partage est une injustice flagrante, il donne aux immigrants juifs le gâteau (ils
occupaient 6 % de la surface du mandat, ils obtiennent 56 %) et aux
Palestiniens les miettes ».
La
première guerre israélo-arabe qui suivra (1948/49) permet à Israël d’élargir
son territoire à 78 % du mandat britannique... Mais aussi d’expulser 700 000
Palestiniens, en application du vieux slogan : « Une terre sans peuple pour
un peuple sans terre » ! C’est la Nakba !